Le faux débat sur les nanos

L1003279Mardi soir, j’ai eu la chance d’assister au débat public sur les nanotechnologies au Palais du Pharo à Marseille. Ou plutôt de ne pas y assister puisque ce débat n’a pas eu lieu.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, disons qu’ils sont tout à fait pardonnés puisque les medias ne parlent absolument pas de cette consultation nationale. Pourtant, la commission est forcément passée près de chez vous puisqu’elle sillonne depuis deux mois la France entière. Sait-on que ce vaste débat a été décidé par le Grenelle de l’Environnement ? Sait-on qu’il aura coûté plus de 2 millions d’euros… pour rien ?

Sur eco-SAPIENS, nous avons relayé le relatif succès de cette initiative
Sur d’autres medias moins regardants, seul aura été relayé le communiqué de presse initial annonçant l’ouverture du débat public. Puis, pas un mot sur leur déroulement !

En réalité, il faut bien avouer que les millions d’euros dépensés pour organiser ce tour de France participatif n’ont servi qu’à révéler cette majorité silencieuse, prête à perturber chacune de ces rencontres. Perturber jusqu’à faire annuler ces débats: dans près de dix villes, le chahut et les banderoles ont tout simplement fait capoter la soirée.

Pendant la réunion à Marseille, 120 personnes étaient présentes dans le public. Malgré la fouille, les vigiles et une poignée de manifestants refoulés, 80 « anti-nano »s’étaient glissés dans la salle. 20 personnes étaient chercheurs ou affiliés au domaine des sciences concernées par les nanotechnologies. 20 personnes semblaient être venues par hasard (il s’avère qu’ils étaient étudiant ou dans la recherche).

Je me suis amusé à interroger quelques chercheurs aux tempes grisonnantes pour savoir s’ils comprenaient ce refus de débattre chez les anti-nanos. Je ne sais pas s’ils ont senti que j’avais été moi-même ingénieur-recherche en physique. En tout cas, ils se sont livrés.

Et là stupéfaction ! Ils m’ont dit clairement tout le mal qu’ils pensaient de ces personnes anti-démocratiques qui ne voulaient pas essayer de comprendre les enjeux. Comme je suis assez familier de la littérature anti-nanos, je leur ai demandé ce qu’ils pensaient des critiques formulées à l’encontre des nanotechnologies et à l’encontre de cette commission (tout ceci est disponible sur Internet).

A vrai dire, ils n’avaient jamais pris la peine de prendre connaissance de ce genre de critiques. Une démarche pas très « scientifique » je dois avouer. En général, un phénomène qu’on ne comprend pas, on se documente, on l’approfondit et on fait son opinion… Là, l’opinion était toute faite. Obscurantistes (sic!), anti-démocratiques, enfants gâtés qui ne connaissent pas la chance qu’ils ont de pouvoir débattre dans un pays libre. Etc.

Passons…

Personnellement, je trouve dommage que pas une figure écologiste ne mentionne ce débat. Il n’y a que les Amis de la Terre qui, après avoir été invité à y participer, ont finalement décidé de se retirer de ce débat. Philippe Dieudonné, président de la Ligue des Droits de l’Homme à Marseille, qui était présent comme caution « morale » à côté des experts ingénieurs et militaires, a lui aussi quitté la scène.

Mais sinon personne ! Ni ONG ni parti ni syndicat. Or, la critique du « bluff technologique » est presque concomitante de l’écologie politique. Refus de voir la technique devenir finalité. Refus de jouer avec des outils aux potentialités telles que tout dégat semble irréversible, que toute liberté semble vouée à être bafouée.

Mais c’est vrai qu’après le nucléaire, les OGM, les pesticides… les nanos ouvrent un front supplémentaire et que, ne sachant plus où donner de la tête, ceux qui défendent l’esprit de la vie finissent par s’épuiser.

Courage !

PS: pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de la critique technologique, il y a le livre de Jean-Luc Porquet sur Jacques Ellul. Pour la critique des nanotechnologies, une abondante littérature est disponible sur Internet ou aux éditions L’échappée.

PPS: pour ceux qui pensent que les anti-nanos sont des obscurantistes, des dictateurs ou des fous, il n’y a pas grand chose à faire sinon se documenter un peu…

1 réflexion au sujet de « Le faux débat sur les nanos »

  1. Bonjour,
    Une invitation des opposants à ces pseudo-débats :

    A Paris le 23 février 2010,
    La CNDP annule son pseudo-débat,
    Les opposants à la tyrannie technologique vous invitent à un vrai débat public

    Prenant acte du naufrage de sa campagne de promotion des nanotechnologies, la Commission nationale du débat public (CNDP) a annoncé le 3 février 2010 l’annulation de ses trois dernières réunions prévues à Montpellier, Nantes et Paris.

    La dernière soirée, à Paris le 23 février, se déroulera en présence d’un public trié sur le volet et sommé de présenter ses papiers. Après avoir inventé le débat public sans public, l’obligation pour les participants de signer un engagement à ne pas perturber la réunion, puis le débat virtuel, la CNDP inaugure la réunion publique privée, sur invitation. Bienvenue dans le nanomonde.

    Cette campagne et l’opposition qu’elle a suscitée auront porté un coup aux procédures d’acceptabilité de la prétendue démocratie technique et participative. Certes les opposants au nanomonde ne sont pas les premiers à contester et à s’enrager contre les multiples « panels citoyens », « sondages d’opinion », « forums hybrides », « conférences de consensus », concoctés par les sociologues d’Etat pour apprivoiser la plèbe et la ramener sous le magistère de l’expertocratie ; mais la contestation n’avait pas jusqu’ici atteint cette intensité ni cette ténacité.

    Afin d’enterrer l’opération de la CNDP, nous tiendrons une réunion publique, sans carton d’invitation, le mardi 23 février 2010 à Paris, où nous débattrons des raisons et moyens de contester la tyrannie technologique

    Ceux qui, à Strasbourg, Toulouse, Clermont-Ferrand, Lille, Besançon, Caen, Grenoble, Rennes, Lyon, Marseille, Orsay, ont fait dérailler le train publicitaire des nécrotechnologies, opposants à l’industrie nucléaire et à l’enfouissement de ses déchets, aux OGM, au puçage électronique des animaux et des hommes, à la police technologique, à la société de surveillance et de contrainte, aux nanotechnologies, à la machinisation de nos vies et de la planète – sans oublier les luddites – invitent à échanger et discuter tous ceux qui considèrent le fait technologique comme un enjeu politique trop sérieux pour être confié aux experts.

    Sans agences de communication ni attachés de presse, sans budget de deux millions et demi d’euros, sans moyens logistiques, médiatiques ou policiers, sans cahiers d’acteurs ni retransmission Internet.

    Venez nombreux avec vos idées, vos questions, vos réflexions et vos amis.

    Brochures, livres, documents disponibles sur place.

    Des nanotechnologies à la tyrannie technologique
    Mardi 23 février 2010 à 20h
    A la CIP (Coordination des Intermittents et précaires)
    14-16 quai de la Charente, Paris 19e
    Métro Corentin-Cariou

    L’opposition à la tyrannie technologique

    Informations sur http://www.nanomonde.org

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