L’art français de la guerre contre le frelon asiatique

Peut-être avez-vous reçu un email vous invitant à piéger le frelon asiatique. Il est louable de mobiliser ainsi jardiniers amateurs et particuliers dans la lutte contre ce prédateur de nos abeilles déjà bien affaiblies. Mais cet enrôlement est vraisemblablement contre-productif.

« Si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait que quatre années à vivre » fait-on généralement dire à Albert Einstein qui n’a en réalité jamais livré une telle prédiction. Or, les populations d’abeilles sont décimées depuis des années et les causes de cette hécatombe restent indéterminées globalement…

En fait des coupables pour ce déclin, il y en a pas mal d’identifiés.

  1. Les insecticides, et notamment le Gaucho et le Cruiser
  2. Un acarien parasite nommé Varroa destructor
  3. un champignon microscopique nommé Nosema ceranae
  4. L’effondrement de la biodiversité dans les champs et prairies
  5. Et donc le sujet qui nous intéresse, le frelon asiatique.

Ce cousin de notre frelon est persona non grata depuis 2013, et fait donc l’objet de nombreuses études scientifiques afin de déterminer comment lutter le plus efficacement contre cette espèce. Car, comme le rappelle le Service du Patrimoine Naturel – Muséum National d’Histoire Naturelle

Une lutte irraisonnée contre une espèce envahissante peut conduire à favoriser son installation. Cela a été trop souvent le cas par le passé.

Nous avons déjà par le passé évoqué cette vieille querelle entre science « académique » et science citoyenne à propos des programmes de recensement (type SPIPOLL pour le bourdon). Et bien pour la lutte contre les prédateurs, il s’agit du même genre de querelles, à savoir les réticences des « experts » à faire participer le grand public à des programmes naturalistes. Pour le recensement, au pire, les données sont inexploitables. Mais pour le piégeage des insectes, au pire, le jardinier lambda aura tué quelques espèces rares ou protégées (coléoptères, hyménoptères…)

Voici donc le programme Eurofrelon 2017, proposé par deux chercheurs issus de maisons « sérieuses » (INRA et CNRS) qui propose d’installer des pièges à frelons asiatiques, de relever les dates et lieux de capture, de les congeler et de les expédier par colis. Le programme s’étend de mars à mai et fournit donc les plans du piège et l’appât.

Le piège est une bouteille de plastique savamment découpée; l’appât est un cocktail qui emprunte au kir et au monaco : 1/3 de bière brune, 1/3 de vin blanc et 1/3 de sirop de fraise. Où l’on voit que ces insectes venus d’ailleurs n’ont aucun goût !

Rappelons le danger principal d’un tel dispositif. Il s’agit d’un piège-entonnoir avec un appât sucré qui attire quantité d’insectes. Certes il est précisé de rajouter des petits « trous de sortie » pour les autres espèces; mais il existe de nombreuses études qui montrent que les « rescapés » en général sont tellement affaiblis qu’ils meurent souvent… mais hors de notre vue.

L’appât utilisé est supposé être sélectif mais là encore, rien n’est moins sûr et les recherches se poursuivent. Vous verrez d’ailleurs sur le web des recettes qui varient.

Le schéma proposé par Eurofrelon 2017 est assez explicite dans cet aveu puisqu’il est précisé :

Libérez tous les autres insectes de votre piège (ils se réveilleront)

Un dernier point important pour vous dissuader d’installer un piège sans raison valable (c’est à dire si vous n’êtes ni chercheur ni apiculteur) est l’efficacité comparée entre « piège à frelon » et « destruction de nids ».

Oui les « reines-fondatrices » de cette espèce sont dévastatrices. Une reine capturée, c’est 3 000 frelons en moins. Cependant les études récentes du Muséum insistent :

le printemps est la période où la mortalité des fondatrices de frelons comme de guêpes est la plus élevée, en grande partie du fait de la compétition intervenant entre individus d’une même espèce. Détruire certaines fondatrices à cette période ne ferait que laisser la place à d’autres

Enfonçons le clou avec ce rapport:

Jusqu’à aujourd’hui, aucune campagne de piégeage de printemps n’a démontré son efficacité pour réduire la densité en colonies du frelon asiatique.

En résumé, pour lutter contre le frelon asiatique il faut :

  • Détruire les nids (c’est là que ça se joue !)
  • Installer des pièges près des ruches et uniquement près des ruches, et les surveiller
  • Laisser faire les prédateurs naturels : oiseaux, parasites,… et même les abeilles qui commencent à se défendre !

Et bien sûr… interdire les néonicotinoïdes !

Donc oui le frelon asiatique est une menace mais face au péril, il faut parfois savoir s’abstenir…

4 réflexions au sujet de “L’art français de la guerre contre le frelon asiatique”

  1. J’ai entendu dire que les poules constituent un moyen de lutte efficace contre les frelons asiatiques. Les frelons asiatiques, contrairement aux abeilles et guêpes, pratiquent le vol stationnaire. Les poules parviennent à attraper (et à manger) les frelons asiatiques.
    Innovation frugale et externalité positive, si cette information s’avère exacte.

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  2. Un peu en retard mais pour ceux que le sujet intéresserai encore, un lien vers un article bien fait qui montre que les guêpes et les Frelons participent (évidement) d’un écosystème (comme toujours) complexe et fragile. Les pièges ne sont pas capables de sélectionner les Frelons dits Asiatique, pour 1 Frelon Asiatique capturé, combien de guêpes détruites?
    http://jardinonssolvivant.fr/les-guepes-mal-aimees-mais-precieuses-auxiliaires-de-culture-par-antoine-riviere/

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