Comme pris d’un doute avec Philips

Prenons un peu de recul…

Il existe dans ce monde une grande entreprise, d’origine néerlandaise, qui s’appelle Philips. Le grand public la coudoie par ces produits électro-ménagers mais aussi pour son label musical (du classique). On connaît aussi Philips par ses activités dans le domaine médical (appareils d’imagerie) et en tant que principal constructeur de demi-conducteurs.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y a deux gammes de produits où la marque domine tous les autres. Les ampoules basse conso et les biberons (via sa marque Avent).

Ce mercredi 23 Juin, suite à l’avis rendu par l’AFSSA, l’agence française sanitaire, le fameux Bisphénol A est interdit. D’abord, vous remarquerez que vous pouvez continuer à acheter des articles avec bisphénol A. En clair, c’est interdit mais on peut continuer à en vendre

C’est une fabuleuse épopée que celle du bisphénol A. D’abord car on suspecte cet additif aux plastiques d’être dangereux depuis 80 ans. Mais c’est vrai que c’est bien pratique, alors l’inertie industrielle et mercantile a réalisé des tas d’études, avec diverses agences sanitaires (la plus connue étant la FDA américaine, dont on a reparlé avec les histoires de Monsanto) le tout pour montrer qu’avec les quantités employées, y a pas de danger.

C’est possible.

D’autant que le BPA n’est pas que dans les biberons, il est surtout dans le revêtement intérieur des boites de conserve. Mais ca, bizarrement, c’est moins évoqué.

Alors un jour un pays a dit « ca suffit ! On interdit« . C’est la Canada qui a inauguré la voie le 18 avril 2008. Suivi quelques années plus tard par les Etats-Unis (5 mars 2009). Curieusement, la marque Avent (propriété de Philips, donc) ne se cache pas d’avoir des biberons sans BPA disponibles dans ces deux pays depuis 2008 mais cela a tardé pour la France.

On imagine que l’entreprise se plie aux normes spécifiques de chaque pays. Comme disait Pascal… « Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà« . Sauf que… en terme de santé, on ne comprend pas bien pourquoi on continue à vendre des produits dangereux pour les bébés français là où les bébés nord-américains sont épargnés.

A l’époque où eco-sapiens relayait cette histoire de BPA (en mai 2008, pionniers ?) j’avais regardé l’argumentaire de Philips. Il a disparu et c’est dommage car j’aurais bien aimé voir le changement de discours. Aujourd’hui, c’est disponible à cette adresse. En clair, Philips fait tout pour passer au BPA-Free et donc, progressivement, le BPA va disparaître. N’est-ce pas une manière de reconnaître que ce produit n’est pas si inoffensif tel qu’il fut présenté l’année dernière ?

On peut aussi se dire que c’est l’AFSSA qui a été moteur. Celle-ci fanfaronne en appelant une mobilisation de l’industrie (…) pour mettre au point des substituts du BPA pour les usages alimentaires.

Rappelons que le Canard Enchaîné avait épinglé au départ l’agence pour collusion d’intérêts: certains experts avaient une deuxième casquette dans l’industrie du plastique. Un peu comme la FDA et l’évaluation des OGM (cf le documentaire de M-M Robin).

En même temps… reconnaissons qu’il n’y pas meilleur expert que quelqu’un qui a fait carrière dans le secteur concerné. C’est toute la difficulté du monde politique à pouvoir créer des organismes indépendants qui disposeraient d’autant de moyens que les multinationales. Saviez-vous que l’IFREMER a été co-financé par Total pour évaluer l’impact de la marée noire Erika, payée par AREVA pour évaluer la radioactivité au large de la Hague ?

Je ne dis évidemment pas qu’il faille pour cela dénigrer nos chers instituts « indépendants ». Il n’y a pas corruption généralisée. Il y a juste des gens qui, par la force des choses, se côtoient, apprennent à se connaître et peuvent parfois verser dans une certaine empathie, et donc une certaine indulgence.

Le principal problème, c’est que le citoyen s’imagine que la science est neutre et définitive. Or elle est temporelle, géographique, culturelle, sociale et, lâchons le mot, humaine.

L’anecdote BPA suffit à montrer la malléabilité du concept innocuité selon les pays et les âges…

Mais au fait, les ampoules basse conso Philips àEh bien, j’ai comme le sentiment vague et improuvable que l’histoire se répète. Pour favoriser le business des ampoules basse conso, on établit des lois visant à interdire les perfides ampoules à filament. Oh il a suffi de quelques mois pour que la polémique sur ces nouvelles ampoules enfle. Mercure, rayonnement, problème du recyclage… Mais c’est trop tard. A la rigueur, on interdira les fluo-compactes pour imposer les LEDS.. quand les fabricants seront prêts !

Alors on se demande si ce sont les industriels qui s’adaptent aux lois ou si ce sont les lois qui organisent l’obsolescence générale pour le bonheur des marchands.

2 réflexions au sujet de “Comme pris d’un doute avec Philips”

  1. On pourrait aussi rappeler l’histoire de l’amiante, interdit ailleurs 40 ans au moins avant la France
    ou celle de la cigarette où des médecins assuraient, il y a longtemps, que bien sûr que non ce n’est pas nocif…
    dommage de ne pas avoir gardé en mémoire quelque part l’argumentation de Philips avant l’interdiction du Bisphénol…mais malheureusement nous avons la mémoire courte (tout comme notre capacité à nous projeter dans le futur)
    Merci Baptiste de nous aider à lutter contre notre Alzheimer bien pratique pour les industriels

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