Il faut le voir pour le croire

Les lecteurs fidèles de ce blog se souviennent peut-être que j’avais épinglé la réaction du spécialiste de l’énergie Jean-Marc Jancovici, qui publiait quelques jours après la catastrophe de Fukushima, une tribune censée démontrer par A+B que Fukushima n’avait rien à voir avec Tchernobyl et que la vraie catastrophe, c’était uniquement le tsunami.

L’aveuglement du célèbre nucléocrate, dont je ne conteste pas les compétences concernant le constat, mais désapprouve bien sûr les remèdes proposés, exsudait littéralement de chacune de ces phrases.

A propos du nucléaire, je me souviens qu’en école d’ingénieur, il était inconcevable d’exprimer des réserves sur ce sujet. Gloire de la science, et surtout gloire de la science à la française ! Mes camarades et moi allions bientôt être diplômés en physique et je me souviens que nous avions entamé un débat sur le nucléaire. Depuis peu, j’étais clairement devenu critique, notamment sur le projet de fusion à Cadarache. Et de fil en aiguille, j’avais pas mal d’arguments contre le programme des centrales à fission. Mais sans rentrer dans les détails techniques, je me souviens qu’un camarade m’avait dit en guise d’argument final qu’il « croyait au nucléaire« .

C’était une sorte d’aveu. L’empire de la raison révélait au final qu’in fine, tout cela reposait sur une profession de foi.

T-Shirt  Quat'rues
Un T-Shirt de circonstance !

C’est à peu près le même sentiment que l’on éprouve en lisant la réaction à chaud désorganisée de Jean-Marc Jancovici. Et c’est le sentiment qui revient quand on découvre le slogan de la dernière campagne EDF.

Le progrès, il faut y croire pour le voir

Cette définition est en fait le renversement exact de ce que prétend être la science. Souvenons-nous de Galilée qui avait affaire à un tribunal qui se refusait de regarder dans la lunette. Eh oui pour croire en la science galiléenne, il fallait voir. Et Brecht, dans La Vie de Galilée, de rajouter une couche « Ecarquiller n’est pas voir !« .

Alors oui ce n’est qu’une accroche de publicité et l’humour, l’ironie, le décalage, tout cela est permis pour le marketing. A bout de souffle, EDF nous demande donc de les croire. Et alors nous verrons. Tel le Christ qui avait lui aussi le sens de la formule : « heureux ceux qui croient sans avoir vu »  (il ne dit pas si alors, ils verront).

Appelez cela comme vous voulez, méthode Coué, auto-suggestion, endoctrinement… je vous assure que ce slogan aurait été tellement appropriée sur une des ces annonces de voyance, de sorcier ou de guérisseur, en dernière page de ces journaux de petites annonces, coincé entre « Rachat or » et « Rencontres Femmes russes ».

Guérir avec le docteur Yao Kouadio, il faut y croire pour le voir !

 

1 réflexion au sujet de « Il faut le voir pour le croire »

  1. Mais oui Baptiste, on s’en souvient 😉

    Magnifique analyse, une fois de plus. Après Areva, EDF… surprenante, cette tendance à adopter des slogans qui peuvent être renversés en deux coups de cuiller à pot. « Le progrès, il faut y croire pour le voir chez EDF » ; « Le progrès, il faudra sacrément y croire pour le voir après une catastrophe nucléaire dans une centrale EDF »…

    Et le progrès… LE progrès. De quel progrès parle-t-on ?

    L’heure est à la prise de risque, semble-t-il. Quitte ou double.

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